Revue d'album : Aenaon - Hypnosophy

Aenaon est un mot grec qui signifie "infini", "inépuisable" et "éternel". Proposant une fusion avant-gardiste de black metal progressif et de jazz à la hauteur de leur nom, le troisième album du groupe, Hypnosophy, est beaucoup plus sombre que leur précédent opus, Extance, sorti en 2014. Odyssée introspective et sombre dans l'esprit du vocaliste et parolier Astrous, Hypnosophy est une bête curieuse et agile qui m'a saisi presque immédiatement, et a refusé de me lâcher jusqu'à la fin amère de son voyage cathartique de 54 minutes. En repoussant les limites du black metal, Aenaon va au-delà du blast beat pour juxtaposer de longs solos de saxophone à une cacophonie métallique tonitruante.

Le premier titre "Oneirodynia" ouvre l'album avec une intro sombre et spacieuse d'une guitare solitaire qui laisse place à un couplet lourd et entraînant qui déclenchera une poussée d'adrénaline immédiate lorsque le groupe chantera le titre polysyllabique de la chanson, un terme médical pour "la détresse mentale associée au rêve". Les voix criardes cèdent la place à des solos de saxophone fluides et oniriques, brisés comme il se doit par un refrain reprenant le titre de la chanson. La bataille entre les solos mélodiques et les voix torturées fait ressortir le thème de la chanson, à savoir que les rêves n'offrent jamais assez de réconfort pour endurer un cauchemar éveillé, comme en témoignent les paroles : "Je n'ai jamais ressenti de sympathie, je n'ai jamais eu de mélodie qui aurait pu guérir mes blessures ouvertes."

A première vue, le titre "Fire Walk With Me" m'a fait espérer une chanson inspirée par la suite du film Twin Peaks du même nom. Bien qu'il n'y ait pas d'hommage à David Lynch dans ce morceau, le groupe livre un hommage flamboyant à la légende du Phénix, en explosant dans une gloire éclatante à partir des braises fumantes du morceau précédent. Alors que le refrain de "Oneirodynia" est une lamentation de l'âme torturée par la peur et le doute, "Fire Walk With Me" ordonne au Phoenix et à l'auditeur de "S'élever des flammes, avec de puissantes serres, puissant et fier" et que la peur soit "Brûlée en rage, un oiseau qui s'élève plus haut qu'un nuage". Ce morceau se distingue par le fait qu'il trouvera instantanément sa place dans ma liste de lecture "Adrenaline".

Earth Tomb" est une histoire de renaissance plus sombre et plus terre-à-terre, avec un fantastique refrain de gang-voix comprenant une ligne favorite, "Raise me up from the dead" (Soulevez-moi d'entre les morts). Bienvenue en enfer. Welcome to Earth". Malheureusement, cette belle phrase est sapée par une intonation maladroitement grognée du titre de la chanson. Sa noirceur obsédante est percée par certains des solos de guitare les plus tranchants et les plus énergiques de l'album, tandis que ses solos de saxo sondent les profondeurs de sa noirceur trouble.

La cinquième piste, "Void", s'ouvre sur un jam de saxo jazzy et éthéré, avec les chants fantomatiques de Sofia Sarri. Bien que potentiellement dérangeant pour certains, le chant de sirène de sa voix brise les versets chuchotés dissonants qui, autrement, enveloppent l'auditeur dans l'obscurité redoutable de ce morceau. À la fin de la chanson, la folie du vide se résume aux notes errantes d'une section de cordes qui contient ce qui ressemble à un koto japonais, un sitar et un violoncelle.

"Tunnel" s'oriente fortement vers le thrash, avec un double coup de pied du batteur Nycriz sous les guitares déchirantes d'Anax et d'Achilleas. C'est le morceau le plus court et le plus direct de l'album, mais il compense largement par son énergie concentrée et dirigée.

Le dernier titre de l'album, "Thus Ocean Swells", s'ouvre sur une jam de jazz aquatique qui dégage une froideur incomparable sans pour autant perdre l'urgence du thème de l'album. Ne vous y trompez pas, les houles océaniques de ce cauchemar ont l'intention de briser le navire de vos rêves sur le bord de la falaise et de vous noyer dans un désespoir aquatique.

Sur "Phronesis - Psychomagic", les guitares sinueuses, les tambours battants et les échantillons vocaux presque inintelligibles constituent une longue introduction qui vous laisse suffisamment de temps pour chercher sur Internet la signification du mot "Phronesis". Je vous épargnerai cette peine : il s'agit d'une sagesse qui fait référence à la "sagesse pratique" ou à la "pleine conscience". Monstre de 15 minutes, ce morceau déchire le moi de l'auditeur et cristallise l'expérience musicale qu'est Hypnosophy, les bons comme les mauvais côtés, avant de les ramener à la réalité.

Hypnosophy est à la fois un album très familier, qui me rappelle par bribes Ex Deo, Zimmers Hole, Rumpelstiltskin Grinder et Dream Theater, mais qui est aussi une bête unique en son genre. Ce n'est pas un album pour les puristes du black metal et les guerriers du genre aux définitions rigides. Il rassemble son style varié et éclectique en morceaux cohérents qui se suffisent à eux-mêmes, mais tombe dans le piège familier du manque de direction dans son ensemble. Malgré tout, il s'agit d'un album très solide et j'ai soif d'en entendre plus de la part d'Aenaon, et surtout d'avoir l'occasion de les voir en concert.

Meilleure piste : "Fire Walk with Me" est la chanson qui met le mieux en valeur l'instrumentation complète du groupe, tout en présentant des vocalises ringardes qui rendraient Bruce Dickinson jaloux.

La pire piste : "Thus Ocean Swells" aurait beaucoup mieux fonctionné en tant qu'instrument.

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